Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

LIBERTÉ ET CRÉATION (ANDRÉ MARKOWICK, I)


Écoute cursive (avec sa difficulté de transcription) de la conférence d’André Markowick à l’occasion de la remise de son doctorat honorifique par l’Université Laval (Québec), le 13 juin 2015. De ce « moment exceptionnel » d’après la présentatrice Isabelle Collombat (spécialiste de traductologie), je ne commente pas les séductions de l’oralité, un art de la pose, un ethos de « l’orgueil » qui abuse de la modestie mythique du traducteur. À commencer par l’attitude socratique : « La seule chose que je savais c’était que je ne savais rien ». Elle prend place dans le parcours biographique du traducteur qui décline de la sorte le thème de sa conférence, celui de la liberté. Markowick la situe d’abord à deux niveaux, plutôt sociologiques : le premier est la distance à la nécessité de la traduction comme activité alimentaire, l’absence de contrainte dans un milieu favorable (voir également : « j’ai jamais accepté de commandes »); le deuxième la distance à l’égard du monde du savoir et spécialement de l’université. L’absence de diplôme et le gage d’un talent. La liberté se déplie ensuite philologiquement en fonction des deux termes russes, свобода (glosée au rang de « liberté politique ») et воля (liberté intérieure et volonté), la pratique de traduire tenant à la cohabitation de ces deux termes. En l’occurrence, la liberté du traducteur s’énonce au nom de la dimension artistique, le travail de création : « On traduit pas d’une langue, c’est pas vrai » ou plus précisément : « C’est tellement plus complexe qu’un rapport de langue à langue ». D’où le lien immédiatement posé entre traduction et singularité – celle des œuvres ou des langues par les œuvres : « On traduit une voix, un livre, une manière ». La traduction comme discipline artistique, qui est devenue au cours des deux dernières décennies un argument reconnu. Markowick rapporte à ce statut deux questions : d’un côté, la résistance de cette discipline au champ nécessaire des techniques, celles qui caractérisent le métier, envisagé dans sa dimension empirique et artisanale : une traduction « ça commence à exister quand tu casses la technique » ; de l’autre côté, la dynamique trans-subjective et trans-nationale – l’action entre cultures : « Un traducteur […], c’est quelqu’un qui aime quelque chose et qui a la possibilité de le faire partager ». La capacité dans le passage d’œuvre à œuvre, de langue à langue de créer une forme commune.