Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

BLOCS

Du « travail sur soi », attaché au « ce que » de l’inconnaissance, que poursuit en guise de dialogue intérieur, ouvert et relancé, fragmentaire et inachevé, l’auteure de Ce que fait un angliciste (http://journaldetravail2008.blogspot.ca), plusieurs blocs critiques se détachent qui mériteraient d’être détaillés et argumentés.

III. Blocs

- L’Anglais comme l'une de ces « autres disciplines flottantes, non disciplinaires, combinaisons ad hoc ». Chez moi, il ne règne pas les mêmes traditions certes ; mais, pour des motifs sans doute différents, des incertitudes analogues en fait de domaine et de ses délimitations, le flou doublé d’une perplexité accrue quant aux objectifs et aux méthodes. Le salut par l’histoire littéraire. L’appel aux disciplines sœurs ou voisines, pour trouver du soutien (histoire et sociologie, philosophie et esthétique) et cerner une spécificité dont on considère que le moment structuraliste, en l’énonçant, l’a aussi laissé échapper. Il y a eu Lanson et la « Troisième République des Lettres » dont certains seraient tentés de raviver le modèle. Comme ailleurs la « langue littéraire » et Ferdinand Brunot replacé à l’horizon de la modernité épistémologique. Sous couvert de « crise », le Trendy fait dans le Rétro. Et comme tous les effets de mode, ça plaît. J’en retiens uniquement que les « combinaisons ad hoc », si elles sont l’expression d’un point de vue tenu, peuvent être inventives et novatrices. Le côté « flottant », c’est aussi leur chance, la possibilité d’un avenir. Être mouvantes, surgir ou intervenir là où on ne les attend pas. 
- Le manque ou simplement la rareté « des ambitions larges de recherche, ambitions scientifiques, qui a pu faire entreprendre les Grands Travaux du 19e, etc. Dictionnaires, grammaires, mythologies, histoires panoramiques, immenses dépenses de synthèse et de collecte de matière et d’analyse en unlikely myriads ». Et le corrélat obligé face à de tels modèles : « les idéologies de la totalité et du positif, etc. » Le dernier en date qui en découle historiquement a été les structuralismes. Il me semble que le propos vise juste sur ce point précis que la défection, le reflux, le ballotement de nos disciplines, en position défensive, sinon fréquemment réactionnaire (s’accrochant aux acquis glorieux du passé, et agitant alors quelque prétendue essence, alors qu’elles n’ont au mieux qu’une historicité, ce que leur rappelle la précarité à laquelle les soumettent les « gouvernances » d’établissements ou les États), résident précisément dans cette absence de projet unificateur et mobilisateur, bref : dans une absence d’utopie propre au savoir, comme on le dit en politique, et spécialement à gauche, et pour les gauches. Ensuite, que cette utopie se décline ou non de nouveau sous l’espèce d’une totalité est un autre problème. On aura été avertis. On ne peut plus faire comme si. La seule nuance qui mériterait d’être jointe à un tel diagnostic, c’est qu’en dépit de ce déficit de projet mobilisateur, l’époque a malgré tout les richesses de ses dispersions, de ses pluralisations, de ses ramifications qui contiennent, il est vrai, des mouvements aveugles.
- « “Théorie”. Intéressant que la notion n’ait plus la caution intellectuelle qu’elle a eue au moment de la formation ; j’ai maintenant à la tenir en analyse, m’en soucier, la soutenir, et m’en expliquer. Effet intéressant de génération. » Elle était déjà en déperdition lorsque je commençai la mienne dans les années 90. Sa situation est très sensible à la place que lui réserve le public étudiant aujourd’hui, qui y voit au mieux un lieu de rigueur – les mathématiques de la littérature, pour user d’un raccourci ou d’un stéréotype – au pire d’indigestes Digests ou d’encombrants Course Packs, dont l’intérêt, l’application, la rentabilité pour leurs propres objets demeurent trop souvent opaques. Dans les faits, la perspective majoritairement empruntée par les doctorants est monographiste. En outre, j’ai conscience qu’un tel mot se complique au plan disciplinaire : pour un angliciste, le terme français est porté par « Theory » (et « After Theory » pour reprendre T. Eagleton) ; j’ai conscience que la situation nord-américaine notamment diverge sur bien des points de la situation française (voire européenne). Il reste que l’effet est lisible au plan institutionnel : la théorie se fait moins qu’elle ne s’enseigne ou qu’on en enseigne l’histoire, les noms, les concepts, les méthodes, etc. Il est manifeste que sa propre inflexion n’est pas sans rapport avec ce fait que « la “littérature” est de plus en plus mise à distance, dans son histoire, son action historique en tant que concept, ramificateur d’une pratique sociale internationale impressionnante, civilisationnelle », dès lors que c’est par l’une qu’on renouvelle les points de vue sur l’autre – qu’on la fait aussi vivre et agir – ceci contre le préjugé tenace à son endroit.