Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 26 novembre 2017

26/44 ou 44 x 26


Date nauséeuse. Autrefois impatiemment attendue, j’ai désormais le sentiment qu’elle m’a été plutôt infligée, par ce hasard qui s’appelle la vie, me contraignant à un mélancolique décompte.

vendredi 24 novembre 2017

LE LÉGER DÉPLACEMENT

En guise d’appendice à la « clarté inépuisable » dont parle Barthes – décidément – si je revois le contexte, et les deux volets de « Pourquoi j’aime Benveniste » (voir post du 20 avril 2017). Peut-être parce que j’ai le sentiment de le sous-estimer ou de le sous-commenter. La science nouvelle – que Benveniste baptise « culturologie » – dont l'auteur, modestement, esquisse fondements et principes, repose sur une critique des savoirs existants. Or c’est au titre d’un « léger déplacement » par rapport aux discours des « savants ordinaires » que cette invention conceptuelle se signale pour Barthes comme espace d’une écriture. Il en observe plusieurs plans, qu’il convient sans doute de réarticuler. a) La dimension et l’unité. Barthes qualifie les Problèmes de linguistique générale de « recueil d’articles » en soulignant aussitôt sa conformité aux modalités de publication et de présentation de la recherche dans le champ de la discipline linguistique. Mais au terme du deuxième compte rendu, lors de la parution du volume de 1974, cet ensemble est devenu des « textes » et ceux-ci n’apparaissent plus comme de « simples articles ». Sans doute la logique du recueil met-elle à mal l’ordre continu du livre classique sous l’espèce de l’essai ou du traité. Ce faisant, Barthes met le doigt non seulement sur le système de composition des Problèmes ; plus encore sur l’inachèvement et la fragmentation de ces unités (comment elles se relient entre elles, contrastent ou convergent). Des textes à la fois fermés sur le thème dont ils traitent (« le génitif latin », « la phrase nominale »), mais ouverts par la récurrence de propositions qui s’entretissent – la problématisation par l’ensemble. b) Le « style » selon une déclaration distanciée sinon ambiguë. Je reprends cette citation donc : « Les livres de savoir, de recherche, ont aussi leur “style”. Celui-ci est d’une très grande classe. Il y a une beauté, une expérience de l’intellect, qui donne à l’œuvre de certains savants cette sorte de clarté inépuisable, dont sont aussi faites les grandes œuvres littéraires. » Les guillemets jaugent l’appropriété du concept rhétorique. Mais l’essentiel est ailleurs. Dans ce qui semble l’attacher d’abord à l’élégance et à la distinction, Barthes ne cède qu’en partie au mythème national de la clarté et ses déclinations essentialistes-idéologiques. L’énoncé suivant en déplace le champ d’application : « Tout est clair dans le livre de Benveniste, tout peut y être reconnu immédiatement pour vrai ». Cette qualité de discours peut s’entendre à un double niveau, celui technique et pédagogique du raisonnement et de l’exposé ; celui épistémologique des enjeux et des questions – l’art du problème (où la clarté puise entre autres dans l’élucidation). Mais la clarté a trait au vrai et c’est d’une science qu’il s’agit – ce qui s’applique, se falsifie, se contredit. Les termes sont rigoureux : ce qui est « reconnu immédiatement pour vrai » ne l’est pas en soi – au sens où les analyses de Benveniste ne passeraient pas l’épreuve de l’objection ou de la discussion. L’adverbe immédiatement renvoie la vérité à l’expérience – ou quelque chose que la logique classerait dans l’ordre de la véridiction. En fait, ce qui est « reconnu immédiatement pour vrai » ne répond pas à une procédure de dévoilement, la vérité conçue sur un mode platonicien, préexistant à la démonstration du savant. Le type passif qui met l’accent sur le processus l’indique en creux : ce qui est vrai doit être reconnu, c’est-à-dire a besoin du lecteur, l’exige même pour s’accomplir. En ce sens, le processus de reconnaissance ne se fonde pas a posteriori par un retour au même mais concentre la révélation d’une différence et d’une nouveauté pour la première fois. Ce qui signifie que la vérité est absolument contemporaine de l’énonciation propre au dire théorique, elle advient de manière simultanée. Elle ressortit à cette « exactitude », à la « justesse » ou à « l’ajustement » de la syntaxe et de la phrase. c) Le neutre ou le « presque neutre », et le chantier par emprunt et déplacement de Blanchot est en devenir qui donne lieu au séminaire du Collège de France vers 1977-1978. d) La musique – ou l’analogie qui fait de Benveniste ce savant qui « écrit silencieusement » selon un « mélange subtil de dépense et de réserve qui fonde le texte ». Il ne s’agit pas d’ellipses ou de ces trouées implicites qu’il n’y aurait plus qu’à restituer ou compléter mais ce régime anti-expansif, celui du non finito que je décrivais en avril dernier. Disons que la dépense est la matière raisonnée et raisonnante ; la réserve indexe l’écriture théorique même, en ce que la dépense ne cesse d’augmenter la réserve – et les potentialités-vérités ouvertes de l’œuvre. Autant de propositions énonçables – à inventer à partir des Problèmes, par appropriation et transformation ; des visibilités à venir, en nombre a priori illimité, à faire valoir.

mercredi 22 novembre 2017

PHILOSOPHIE LINGUISTIQUE

 Ce petit rappel au terme d’un historique retraçant les transitions critiques du comparatisme à l’idée parvenue à l’état de leitmotiv dans les années 1910-1920, celle de « linguistique générale », les tensions complexes et hésitantes entre modèles inductifs et modèles hypothético-déductifs, la manière dont Saussure approchait la question sous l’espèce dénommée « cours de philosophie linguistique » (Claudine Normand, « La généralité des principes », dans S. Auroux, Histoire des idées linguistiques, t. III, Mardaga, 2000, p. 471). Expression rapportée en 1909 d’un entretien avec le maître genevois par A. Riedlinger.