Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 30 novembre 2016

HYBRIDE MORPHOLOGIE



Comme ces véhicules dits « hybrides », carburant classique et énergie électrique, il circule parmi nous d’étonnantes créatures linguistiques. L’une d’elle subit il y a peu les foudres de l’académicien Michel Serres à la lecture d’une affiche en lettres géantes : « Followez ! » (Libération, 6 octobre 2016). Et d’accuser d’une voix rageuse et colérique la propension au « globish » ou « dialecte de la classe dominante ». Il fut un temps, d’autres s’insurgeaient pareillement en gardiens légitimes de la langue nationale et s’en prenaient du haut de la savante Coupole au néologisme « positiver » dont l’intention était toute commerciale. Mais ce cas-là apparaît bien singulier, produit sans aucun doute d’« envahisseurs et collabos » contre les « pauvres nuls colonisés ». Car le philosophe est volontiers patriote et de l’histoire maîtrise lucidement la dialectique. Lui arrive-t-il cependant comme moi de « bloguer » ? Il est vrai que le verbe issu de « blog » (lui-même construit sur Web Log) s’appuie sur la forme nominale assimilée : « blogue ». Il y a mieux ou pire : autour de moi s’entendent, selon des terminaisons là encore empruntées au premier groupe : check-er, switch-er, plugg-er, pitch-er, etc. Ici, le « tiers état » en a fait son « patois ». Il me souvient de cet exemple : « On va leur pitcher de la marde aux Anglais ». Ce qui – on en conviendra aisément – en fait de geste nationaliste est aussi comiquement involontaire, involontairement comique, que les dénonciations hautement méthodiques de Michel Serres. On sourit en tous cas à ce jeu de miroir entre sociétés et langues.

COUP D’ŒIL AVANT


Rétrospectivement, un novembre liquide et politique. Très noir. Dans l’immédiat à venir, les deux tribunes, l’une de Patrick Boucheron, « Ce que peut l’histoire », l’autre de Didi-Huberman : « Où va la colère ? » (voir Big Mouth). Considérer les liens tenus par l’article du sociologue Jean-Philippe Warren, « Disciplines universitaires et résistance à la marchandisation » autour du Printemps Érable (La Dérégulation universitaire). Non simplement par obsession provinciale, bien qu’il y ait exigence de clarté. Mais s’il y a une épistémologie politique, il manque à cette épistémologie de quoi penser la discursivité des disciplines, il me semble. D’autres questions, encore : la conférence du traducteur André Markowick, qui m’a été signalée (https://www.youtube.com/watch?v=-wX8z89Av84), à l’occasion de la remise du titre d’honoris causa par l’université de Laval (Québec, 15 juin 2015). Sinon : de retour à Tristan Corbière.